Kathy Le Sant voit des visages.
Tous les jours, plusieurs fois par jour, elle voit des visages en couleurs.
Ce sont des visions. Des visions de couleurs, comme Malevitch, comme les Delaunay, comme Kandinsky, comme, comme, comme..
D’abord des couleurs. Et ces couleurs, comme il faut qu’elles se posent quelque part, trouvent une forme qui les accueille, et cette forme ce n’est pas toujours des ronds, ou toujours des carrés, ou toujours des à-plats, ou toujours des nymphéas, c’est toujours des visages. Des visages de femme. Tous les jours des visages de femme où viennent se poser les couleurs, comme elles l’ont elle-même décidé.
Mais influencées par les vibrations, la brise, des sentiments du jour… de quels sentiments du jour ?
Ceux de Kathy Le Sant, ceux du monde tout autour, ceux de la page blanche.
Quelle page blanche? Ce papier ou celui-ci ou celui-là. Ou bien ces-yeux-ces-cils-cette-peau-ces-sourcils-ce-nez-cette-bouche de telle mannequin, de telle actrice, de telle amie.
Je le sais bien moi qui l’ai vue tant de fois m’envisager. Faire apparaître le visage de mes sentiments du jour en obéissant au désir qu’avaient les couleurs de s’y poser, au choix qu’avaient fait les couleurs du rêve et celles de la vie de passer par les yeux, les doigts, et les sentiments de Kathy Le Sant pour faire apparaître mon visage d’un instant: ce jour-là, à cet instant-là.
Alors on peut recommencer à tout instant… Tant qu’il y aura des jours…
Jeanne BALIBAR